Perdre un locataire peut être une situation à la fois délicate sur le plan émotionnel et complexe sur le plan juridique, surtout lorsque personne ne prend en charge les affaires du défunt. Au Québec, le bail d’un locataire décédé ne prend pas fin automatiquement — il se poursuit sous la responsabilité de la succession (la liquidité de la succession). Mais que se passe-t-il si cette succession est refusée?
Voyons ce que dit la loi, quelles sont vos responsabilités comme propriétaire, et quelles démarches suivre.
⚖️ D’abord, que dit la loi?
Selon l’article 1938 du Code civil du Québec, le bail résidentiel ne se termine pas automatiquement au décès du locataire. Le bail est transmis aux héritiers ou au liquidateur de la succession, qui peuvent :
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Continuer le bail
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Ou y mettre fin en donnant un préavis de deux mois
Ce mécanisme fonctionne bien lorsque la succession est acceptée et qu’un responsable est désigné. Mais souvent, les héritiers peuvent refuser la succession, généralement pour éviter les dettes ou les complications.
❌ Lorsque la succession est refusée
Si la succession est refusée (renoncée), alors personne n’est légalement responsable du bail ou des biens du locataire. En tant que propriétaire, vous ne pouvez pas simplement changer les serrures ou relouer le logement. Il faut suivre une procédure légale bien définie.
✅ Vos démarches légales comme propriétaire :
Voici les étapes à suivre si votre locataire est décédé et que la succession n’est pas réclamée :
1. Rassembler les documents requis
Vous aurez besoin :
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D’un certificat de décès
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D’une copie du bail
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D’une preuve écrite du refus de la succession (lettre d’un notaire ou déclaration des héritiers, si possible)
2. Faire une demande au TAL (Tribunal administratif du logement)
Vous devez déposer une requête pour :
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Faire résilier le bail
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Reprendre possession du logement
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Recevoir des instructions concernant les biens laissés sur place
Il s’agit d’une demande officielle pour mettre fin au bail en raison du décès et de l’absence de succession.
3. Demander un traitement en urgence
Puisque le logement est vide et que vous subissez probablement une perte de revenus, vous pouvez inclure une « Demande de traitement urgent » avec votre requête. Expliquez clairement :
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Que le bail ne peut pas se poursuivre
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Que la succession est abandonnée
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Que vous perdez un revenu locatif
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Que vous devez protéger le logement contre les dommages
4. Attendre la décision du Tribunal
Le TAL peut rendre un jugement qui autorise :
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La résiliation du bail
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La reprise du logement
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La disposition ou l’entreposage des biens (avec conditions)
Vous devez attendre ce jugement avant de relouer ou de toucher aux biens du défunt.
❌ Ce que vous ne devez surtout pas faire
Même si les héritiers vous confirment par écrit qu’ils ne veulent pas du logement :
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Ne changez pas les serrures
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Ne déplacez ni ne vendez les biens personnels
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Ne relouez pas le logement sans autorisation du TAL
Agir trop vite pourrait vous exposer à des poursuites, incluant des réclamations pour dommages ou pertes.
🧾 Et les chèques de loyer?
Si le locataire décédé avait laissé des chèques postdatés ou des paiements préautorisés :
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Vous pouvez encaisser les chèques émis avant son décès
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Vous ne devez pas accepter de paiements de tiers (ex. : membres de la famille) sans entente légale, car cela pourrait être interprété comme une acceptation de la continuation du bail
🧠 En résumé
Ce type de situation exige à la fois des connaissances juridiques et de la patience. Même si vous êtes tenté de reprendre rapidement possession de votre logement, le risque de le faire sans l’autorisation du TAL est trop grand.
En cas de doute, consultez un notaire ou un professionnel du droit pour vous assurer que votre dossier est complet et que vous agissez conformément à la loi.